Une aventure collective.
Après la disparition tragique de Yann Duffillot en 2022, tout le monde se demandait qui allait relever l’étendard tombé au sol, pour cette douzième édition ? Lorsqu’un soldat tombe au champ d’honneur, en principe, il y a toujours un valeureux soldat prêt à redresser le drapeau et les couleurs. Deux hommes relèvent le défi. Il s’agit de Didier Bonnet et Eric Dehillotte. Bras droits de Yann depuis des années, ils avaient à cœur de continuer l’aventure, ne serait-ce pour rendre hommage à celui qui avait créé le Raid Babyboomer’s. Mais ils n’étaient pas seuls. Alain Le Gall, Arnaud Delmas-Marsalet et douze autres bénévoles, dévoués, les épaulaient. Le corps médical était représenté par le Doc Bouchiba Fouzi. La Sté Starway était chargée des hébergements et Owaka, du suivi par satellite.
Le quadruple Champion du Monde sur l’édition 2023.
Sur le parking de l’hôtel Kenzi Rose Garden, à Marrakech, le mardi 16 mai, ils ne sont pas moins de 52 véhicules boulimiques du bac à sable, prêts à affronter les plus belles pistes marocaines. Des voitures d’avant 1995, décorées de leurs autocollants ‘’d’antan’’, qui ont fait le bonheur des belles années des Paris-Dakar. Pour la seconde fois, la présence très remarquée de Pierre Lartigue quadruple Champion du Monde des Rallyes Tout Terrain sur ZX. À ses côtés, Gilles ancien copilote FISA-FIA-FFSA.
On note également, d’autres anciens pilotes et copilotes des Paris-Dakar Afrique : Yves Morize et Daniel Royer, Claude Marreau, Gilles David, Gérard Berliet, Daniel Andrieu, Basse François Xavier, Éric Dehillotte, Arnaud Delmas-Marsalet, Pat Mitchell, mais aussi, deux concurrents du Dakar Classic 2023 qui s’est déroulé en Arabie Saoudite : Laurent Beraud et Lucas Delmas-Marsalet, de la Compagnie Saharienne. Outre ces anciens pilotes des Paris-Alger-Dakar, du Rallye des Pharaons, Tunisie, Atlas, U.A.E Désert Challenge, Paris-Moscou-Pékin, Master Rallye, Baja… il y avait aussi, Bob Neyret, ancien pilote d’usine Citroën qui roulait avec son épouse, Marie-France.
Pierre Lartigue témoigne : « Si je suis ici, c’est afin de ne pas oublier Yann Duffillot, car, c’est triste d’oublier un ami ».
Si pour certains, le Babayboomer’s était l’épreuve du feu, au même titre qu’un baigneur qui hésite à rentrer dans l’eau froide ! Pour d’autres, la routine, comme Michel Pierre, l’herboriste mondialement connu du Palais Royal ‘’La référence bien-être par les plantes sous toutes leurs formes’’. Si le doute assaillait les profanes qui s’engageaient pour la première fois sur ce genre de Raid, les anciens étaient là pour les rassurer et leur donner les bons conseils d’une première étape, qui allait se passer en toute humilité.
Didier Bonnet « Ralentissez à l’approche d’un village, car les habitants ne sont pas toujours habitués à voir des véhicules circulés. Des conseils élémentaires de prudence et de sécurité vis-à-vis de la population. N’hésitez pas à adresser aux gamins un salut chaleureux qui provoquera immédiatement une réponse gestuelle de leur part ».
Le départ de la première étape est donné à 10h00 sur le parking de l’hôtel par ordre de numéro. Malheureusement, pour Pierre Lartigue la boite de vitesse de son Toyota BJ78, rend l’âme sur le parking de l’hôtel. Plus de troisième et de quatrième. Branle-bas de combat, l’organisation trouve une boite de vitesses à 600 kms. Seule solution, pour le quadruple Champion du Monde, descendre illico-presto à Erfoud avec Gilles, son copilote, pour faire changer la boite. Pendant ce temps, les autres concurrents du Babyboomer’s 2023 se dirigent vers le barrage de Bin El Ouidane. Une petite mise en jambe de 310 kms, dont 56 de pistes. Au menu, des chemins de chèvres et des pistes drapées de sable ocre et plusieurs changements de cap, avant d’arriver à l’hôtel Widiane, situé à 800 m, en flanc de montagne.
Qui sème le vent récolte la tempête, n’est qu’une histoire de gros grains !
Sur l’étape 2, c’est 490 kms, dont 30 kms de pistes qui étaient au programme. Un tronçon poussiéreux, avec quelques traversées d’oueds et de petites saignées, et deux passages de Col. Au km 82, les Babyboomer’s devaient monter au Col de Bou Ikoudene, situé à 2553 m. Dès les premiers kms de la montée, une tempête de neige s’abattait sur le sol en quelques minutes. L’environnement passait de la couleur ocre au blanc manteau, laissant ainsi, les 2 RM patiner jusqu’en haut du Col. Le deuxième col était au km 431, là aussi, la petite balade entre potes tournait au cauchemar. Tous les 4×4 venaient au secours des plus petits véhicules, parfois embourbés jusqu’aux portes. Une partie de rigolade sur environ 25 kms, passant de l’étoile du berger à ‘’l’étoile des neiges, à mon cœur amoureux… !’’
Malgré les contraintes environnementales du jour, tout le monde rentrait à l’hôtel Xaluca d’Erfoud avec, déjà, des souvenirs pleins la tête. La petite histoire du jour, on la doit à l’équipage de la R18 #10, de Bénédicte et Patrice Lacaze. Pour fêter l’anniversaire des 70 ans de son mari, Bénédicte achète en cachette avec la participation de toute la famille une R 18, pour que Patrice participe au Babyboomer’s 2023. Le jour J, lors du repas familial, tout le monde était présent dans le jardin pour fêter dignement ses 70 bougies. Bien emballé, le véhicule soigneusement caché était fin prêt pour partir sur les chemins de traverse du Maroc. Patrice en rêvait depuis des années, il ne pouvait pas espérer mieux de recevoir un tel cadeau, le jour de ses 70 bougies.
L’aventure n’attend pas !
Depuis sa création, ce qui caractérise les Raiders du Babyboomer’s, c’est la solidarité. Au programme de l’étape trois, il y avait 198 kms, dont 146 de pistes en tous genres. Le départ est donné du parking de l’hôtel Xaluca d’Erfoud à 8H00. Même si cette spéciale n’était pas très longue pour les 4×4 aguerris du tout terrain, celle-ci devenait plus compliquée pour les autres participants en 2 RM : Renault 4L, R30, R12, R18, Fiat Panda 4×4, Citroën BX 4×4, XM, ZX, Peugeot 504, 505 Dangel, 405, 205, Volvo. Ford Escort, Cadillac… Un départ à 8h00. Au briefing, Didier Bonnet avait prévenu qu’il y aurait du sable sur plusieurs tronçons « Je compte sur les 4×4 pour aider les 2 RM ». Les premiers kms sont plutôt agréables, des pifs/pafs en enfilades pour celles et ceux qui étaient venus chercher un peu d’adrénaline. Assez rapidement sur cette étape, le vent se lève, et la poussière efface la piste principale. La poussière, c’est l’ennemi de tous, stagnante entre les épineux, elle brouille les pistes déjà peu visibles. Cette fois, les petits nouveaux de cette discipline découvrent un désert respectable, que chacun doit respecter. Le grand spectacle se produit au Km 63. Dès les premiers mètres, plusieurs 2 RM sont plantés dans le large oued de sable fin, qui engloutie toutes les écoutilles !
C’est là qu’interviennent les 4×4. La corde à la main, les équipages tankés appellent de l’aide. Le Toyota de pilote Pierre Lartigue et d’Yves Morize jouent les bons samaritains en sortant plusieurs copains du bac à sable. Cette petite aventure collective dans le bac à sable fait partie des multiples péripéties qui peuvent se produire, au gré des étapes, et c’est aussi ce qui explique cette solidarité qui lie les acteurs du Babyboomer’s 2023. Yann Duffillot tenait beaucoup à cette image. Ancien pilote en Rallye Raid, il savait que l’inconvénient du Maroc, était les pistes étroites et rocailleuses, où il n’était guère aisé de doubler. Dès lors, il fallait en appeler au bon sens de chacun pour que les étapes se disputent normalement dans un contexte sportif et loyal.La dernière partie était plus roulante, néanmoins pas si facile en navigation.
Ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache toujours un puits quelque part.
L’étape quatre est de 178 kms, dont 124 de pistes. Dès 8h00, les Babyboomer’s prenaient la direction de l’Escalier Céleste et de la Cité d’Orion, avec cerise sur le gâteau, 8 kms de sable fin, en hors piste. Tous les vieux loups de mer savent que les indications du Road Book ne sont que le reflet de la réalité de celui qui le réalise. En effet, entre la dernière Reco et le jour J, beaucoup de choses peuvent se passer. Par exemple, une tempête de sable peut avoir effacé les traces, modifier le profil des dunettes et la configuration du terrain. C’est la raison pour laquelle, la préparation du Road-Book et l’écoute du briefing de Didier Bonnet avant le départ, étaient deux éléments déterminants pour éviter les pièges.
La première partie roulante était appréciée. Des belles pistes en enfilades, dans un décor grandiose arboré de palmiers, et autres plantations. En revanche, la deuxième partie ressemblait plus à une spéciale d’un Rallye Raid qu’une balade entre potes. Un terrain hostile parsemé de saignées, d’escaliers, d’oueds détrempés avec d’énormes pierres et du sable fin. Un tracé sur les anciennes pistes des Paris-Dakar, ou la navigation était l’exercice le plus délicat pour arriver au terme de cette étape qui ne laissait personne indifférent. Aucun problème pour les 4×4. En revanche, pour les deux 2 RM, cette journée allait laisser des traces. Certains scrutaient désespérément un passage plus rapide et moins cassant, néanmoins plus dangereux qui pouvait virer au cauchemar à tout instant. C’est là que la part invisible se cache entre le défi et le mystère d’un désert impitoyable. Malgré les traits tirés et les visages fatigués, dès lors qu’il n’y a pas de classement, ils restent des histoires de femmes et d’hommes avec des moments qui marquent leur existence. Tous rentrent à l’hôtel couvert de poussière et du sable plein les poches, avec en prime, ce parfum d’aventure que ne les quittent plus.
Le Sahara est un immense désert où l’homme n’est jamais seul.
Étape cinq, 221 kms, dont 137 de pistes. Au menu, la passe de Mharech bien connue des raiders et des compétiteurs, avec ses multiples sinueuses dans ce désert aride. Avant d’arriver à la passe de Mharech, les véhicules devaient rouler sur un grand plateau de 25 kms, au Cap. Une sorte échappée au long court, ou les plus rapides s’en donnaient à cœur joie. C’est donc sous un soleil bleu azur que la caravane s’élançait dès huit heures. Les 2 RM partent les premiers. Les premiers kms est très roulante avec d’innombrables pistes parallèles sur ce plateau de 25 kms, large comme un océan. La passe étant à douze heures entre deux montagnes, chacun utilise l’une des multitudes pistes qu’offre cette mer de sable ! Si certains appuyaient sur le champignon, les anciens savaient que le diable pouvait se cacher dans les détails, ce qui signifie qu’il fallait rester vigilent.
En effet, chaque détail comptait, une faute d’inattention pouvait être la cause d’importants désagréments. Alors, il fallait veiller aux moindres détails, si vous ne vouliez pas que le diable s’en mêle ! La deuxième partie était tout aussi magnifique, avec des glissades entre les montagnes au Cap moyen. Le terrain était piégeur avec de nombreux devers et de nombreux freinages en courbe. Autrement dit, un excellent condensé de ce qui attendait les Raiders. Force est de constater que l’équipage #20 Bohtorel/Bodennec, sur Citroën BX 4×4 avait des mouvements de billes de billard sur la piste. Le véhicule chaloupait de l’arrière, comme une frégate qui absorbe le tangage d’une mer déchainée. Dans les tronçons de sable mou, les 4×4 continuaient à tirer à la ficelle le diable par la queue ! L’entraide était permanente, et sans arrière-pensée. C’est d’ailleurs ce qui fait la réputation de cette épreuve. La R12 Gordini #150 de Claude et Greg Marreau absorbait les kms au milieu d’un tourbillon de poussièrejaunâtre.
C’est toujours dans le désert qu’on casse sa pipe ou sa bouteille d’eau !
Tracée par Yann Duffillot et Lucas Delmas-Marsalet, l’étape 6 était très certainement la plus accomplie. Dès 8 h00, la caravane quittait Erfoud pour se diriger sur Boulmane Dadès. 269 kms, dont 96 de pistes. Au programme l’Atlas et le Jbel Sarhro. Des pistes de montagne sinueuses en devers, avec plusieurs oueds et des cols. Force est de constater que tous ces véhicules ‘’d’antan’’ alignés à la queue leu-leu sur la ligne de départ, représentaient l’aristocratie de Westminster, la robustesse de Besançon, la finition Suisse, le chic Parisien de Rétromobile et d’Époque Auto, à Lyon. Le jeune équipage du Toyota BJ71 #38 de Beaux Philippe/Porte Frédéric roule sur les chapeaux de roues et à bras raccourcis sur les premières pistes sinueuses et très roulantes, entre coupées d’un petit bac à sable fin. La Babyboomer’s sera très certainement pour eux un marche-pied pour s’élancer plus tard, sur Rallye Raid. Dans cet environnement, les 2 RM sautaient comme des cabris pour survoler les obstacles. La deuxième partie se déroulait sur une piste étroite entre ravins et précipices, en flan de montagne.
Il fallait être un fin pilote comme Pierre Lartigue pour déjouer tous les pièges, car, dans le désert, on ne triche pas, on ne ment pas, et personne n’est à l’abri d’une erreur. Petit incident sans gravité sur le goudron, l’équipage Claude et Greg Marreau #150 R12 Gordini, quitte le jette l’éponge sur ennui mécanique. Cela s’appelle la loi de Murphy « Tout ce qui peut mal tourner, va mal tourner ! ». De toute façon, ‘’Aventure’’ rime toujours avec ‘’problèmes’’. En fin d’après midi, tous les concurrents rentraient à l’hôtel Xaluca de Boulmane Dadès, pour une douce et belle nuit étoilée. Sur le parking, c’est l’anthologie qui faisait office de système D. Passant par des recherches de pièces, d’amortisseurs, jusqu’aux sangles pour maintenir un moteur, à la manière d’autrefois, comme DD Koro, et bien d’autres concurrents des Paris-Alger-Dakar ‘’Va chez Metge, le garage est ouvert toute la nuit !’’.
« Faire vibrer ceux qui partent, et faire rêver ceux qui restent ». Thierry Sabine.
Une ultime étape de 330 kms, dont 60 de pistes. Ce matin, les visages étaient marqués par la fatigue sur la ligne de départ, mais la quasi-totalité des participants étaient prêts pour la dernière longueur, après une semaine instance et de fortes émotions. Le terrain de jeu de la première partie roulante, avec des multitudes de Y et de traverser d’oueds asséchés. Rien d’extraordinaire pour des aventuriers qui sont venus découvrir un désert aride et impitoyable. Le finish se passe dans les chemins de montagne au bord des ravins qu’utilisent les ânes et les hommes, sur un sol défoncé par les pluies torrentielles de ces derniers mois. Au km 189, c’est la délivrance sur le goudron, jusqu’à Marrakech.
Une édition grandissante qui est en route encore pour plusieurs années.
À Marrakech, tous les participants passent sous l’arche, laissant, ainsi, la place aux photographes qui immortalisent ces instants magiques. Les mains gonflées à force de serrer le volant, sur le parking de l’hôtel, tous les Raiders avaient le sentiment du travail accompli. Martine et Fanon #41 Toyota « Des moments comme ça, nous n’avons pas l’occasion d’en vivre souvent, dans l’univers aseptisé que nous connaissons en Europe, c’est la raison pour laquelle, nous revenons au Babyboomer’s, à chaque fois que l’occasion se présente ». Satisfaction pour la Compagnie Saharienne. Arnaud Delmas-Marsalet avait confié deux BJ 78 Proto. Un # 209 pour l’équipage Pierre Lartigue/Gilles David, afin qu’ils puissent vérifier le comportement du véhicule en condition réelle, et l’autre à deux nouveaux venus dans cette discipline, le #47 Valtat Thierry/Gelée Guillaume. Présents pour chercher ce fameux parfum d’aventure, mais aussi, pour se familiariser avec le véhicule, en vue d’une inscription sur le prochain Dakar Classic 2024, en Arabie Saoudite. Gelée Guillaume est un ancien pilote de chasse de l’Armée Française, et Thierry Valtat, Chef d’entreprise. Le #9 Fabien Perez Citroën ZX est un passionné de véhicules anciens, pour lui, le Babyboomer’s était l’occasion de faire découvrir à sa fille Chloé, la beauté du Sahara. Chloé « Lorsque le monde des Raiders tel que le Babyboomer’s vous restitue ces moments privilégiés, il est bon d’en profiter avant de retrouver sa vie quotidienne».
Côté organisation, tous les membres pouvaient avoir le sourire à l’Hôtel Kenzi Menara Palace. Didier Bonnet et Éric Dehillotte confirment qu’il y aura bien une treizième édition en 2024 « Ce qui a fait le succès de cette douzième édition, c’est encore une fois, la convivialité, l’entraide, mais aussi, toute cette chaleur humaine qui a transpiré tout au long de cette semaine. Nous en profitons pour remercier toute notre équipe, car sans eux, le Babyboomer’s n’existerait pas. C’est ce qui a fait que le Babyboomer’s perdure encore aujourd’hui ».
Lors de la soirée festive au bord de la piscine, toutes les étoiles appartenaient aux Babyboomer’s. Les plus courageux pouvaient compter les cinq cent un millions six cent vingt-deux milles d’étoiles qui brillent dans le ciel.Mais il ne suffisait pas de regarder les étoiles, mais de devenir une étoile, comme Yann Duffillot.
« J’ai toujours aimé le désert. On s’assoit sur une dune. On ne voit rien, on n’entend rien et cependant, quelques chose rayonne en silence ».Antoine de Saint Exupéry.
Auteur : Gilles David.
Crédit Photos : Arnaud & Lucas Delmas-Marsalet