1950. Rallye Méditerranée – Le Cap

10 février 2024
Symbols of nature, culture and architecture of Africa in the form of a stylized map

Tout le monde pensait que la première course en Rallye-Raid datait de 1975, or il n’en n’est rien. Ce n’est donc pas l’Abidjan Nice de Jean-Claude Bertrand, ni le Paris-Alger-Dakar de Thierry Sabine qui ont eu l’idée d’organiser un Rallye en Afrique. Nous sommes 1938, l’association  »Les Amis du Sahara et de l’Eurafrique », qui était présidée par le Général O. Meynier décide d’organiser une manifestation automobile, touristique et sportive transafricaine. Au départ, Le Général voulait lancer cette épreuve en 1939, mais, la deuxième guerre éclata et le projet et restera dans les tiroirs, jusqu’en 1949. Au programme de la première édition, le tracé devait passer par le Sahara Algérien, le Niger, le Tchad, le Congo Belge, la Rhodésie et l’Afrique du Sud. Les unités de l’Armée et les pétroliers qui travaillaient au Sahara étaient bien placés pour dire aux organisateurs, combien il était dangereux pour des néophytes de s’aventurer dans ces contrées inconnues du grand public. Bien au chaud, le Road Book prenait son mal en patience, jusqu’en fin 1949.

Nous sommes en janvier 1950. Avec beaucoup de retard, cette première édition du Rallye ‘’Méditerranée – le Cap’’ fut lancée d’Alger pour affronter treize mille kilomètres de pistes Africaines, avec l’idée était de traverser tout le continent Africain du Nord au Sud. C’est avec le soutien de l’Automobile Club et Touring Clubs Africains et sous le contrôle de la Fédération Internationale de l’Automobile. La course fut un réel succès, puisque trente-neuf voitures étaient au départ au bord des rives de la Méditerranée. Tous les concurrents inscrits ont accompli un voyage incomparable, admirant successivement les paysages somptueux du Sahara. Le point d’Orgue a été la découverte de la savane giboyeuse, l’O.A.F. au Nigéria, les forêts de l’A.E.F., les richesses du Congo Belge, les réserves d’animaux du Parc Albert, les Victoria Falls et les jardins de l’Afrique du Sud. Partant des rives de la Méditerranée à Alger, la diversité était une des caractéristiques premières des paysages traversés pendant 45 jours, jusqu’à la pointe du Cape Town, au pied de la montagne de la Table. Finalement, tous les enjeux étaient réussis pour que cette épreuve perdure dans le temps.  

1955 et 1956

Cinq ans plus tard, le Rallye partait à l’envers dans le sens Sud-Nord (Le Cap-Alger). Donc, le même itinéraire, mais en sens inverse de la première édition. Un départ du Cap pour une arrivée quarante jours plus tard, à Alger, après 15 000 kms de course, sans merci ! Sur ces deux éditions, la succession de changement de caps s’annonçait usante pour les hommes et les véhicules. Au bout du compte, ces deux éditions ont remporté le même succès que la première, avec son lot de surprises et ses frayeurs. Des étapes qui renfermaient trop d’imprévus, trop de risques incalculables pour que les concurrents puissent prendre leur café le matin, l’esprit tranquille. Lorsque la piste devenait de plus en plus défoncée, le plus difficile était de maintenir le véhicule en équilibre. Le poids des masses sur leurs quatre roues avait des mouvements de bille de billard, avec un roulis et un tangage de va-et-vient, comme la flèche d’un navire qui balance d’un bout à l’autre, tel un quartier maître qui veut garder le Cap, face à la tempête. En 1956, c’est le même itinéraire avec au programme, les mêmes difficultés. Le Sahara reste le Sahara avec ses pistes ensablées et détruites par les intempéries avec des saignées profondes comme des piscines ! Ses pluies brutales et interminables qui vous transforment en  » Pirate des Caraïbes  ». La grande majorité des routes et des pistes étaient défoncées, remplies d’eau profonde prête à vous engloutir pendant des heures. Puis le parcours passait par des kms de tôles ondulées dans la région du Graben, à l’Est du Congo Belge. Sans compter les vents de sable qui fouettaient les jambes, du côté d’Agadez, au Niger. Quant aux moustiques, ils n’attendaient qu’une seule chose, celle de clouer au pilori les concurrents dans ce milieu hostile, où à chaque départ, tu sais que tu pars à la guerre contre un environnement hostile. Au passage du Rallye, l’accueil des populations étaient chaleureux. Les militaires et les municipalités étaient tout aussi admiratifs de voir passer les concurrents.

1958

Pas d’épreuve cette année-là. Il fallait laisser du temps pour tracer un nouveau parcours, et ainsi, faciliter les formalités de douane et les documents d’immigration pour toute la caravane. Dans ce contexte, le Gouvernement d’Afrique du Sud a été très utile pour que les équipages puissent passer les frontières, et tout particulièrement, celle de Beit Bridge en seulement quelques minutes. Un record à l’époque. Tout était fin prêt pour 1959.

1959. IVe édition. Alger-Le Cap.

Fort du succès des années précédentes, la quatrième édition s’élançait à cheval sur janvier et février 1959. L’organisation voulait démontrer une nouvelle fois que la traversée de l’Afrique pouvait se faire avec des voitures de séries, offrant des garanties de puissance et de solidité de suspension. Le directeur de course pensait aussi que le Rallye pouvait aider à améliorer les pistes africaines, et pousser l’État à créer de nouvelles ressources hôtelières, et faciliter l’administratif aux frontières. Il devait aussi moderniser le réseau de ravitaillement d’essence pour les populations. Des avancées importantes pour les paysans qui vivent dans des contrées isolées. La direction de la course misait aussi sur le fait que les constructeurs trouveraient sur le parcours la possibilité d’améliorer la sécurité des véhicules de monsieur tout le monde, en les testant sur les pistes africaines. C’est la raison pour laquelle, plusieurs grandes marques étaient présentes en 1959 : Porsche 1600, 403 Peugeot, Volkswagen, Citroën ID 19, Chevrolet, Mercedes Diésel 190 D, Alfa-Roméo Ford, Land Rover, Simca Baulieu, Jeep Willys, camion Unic ZU 81 de 10 tonnes. Comme tout bon Rallye qui se respecte, il y avait un Commissaire Sportif, M. Pierre Bonnin, et un Directeur sportif, M. Georges Mere.

C’est donc 22 véhicules qui ont quitté Alger le 7 janvier 1959 pour partir à l’abordage du Cape Town, sur trente-et-une étapes. Un tracé vertical partant d’Alger, Ghardaïa, In-Salah, El Goléa, Arak, Tamanrasset, Agadès, Zinder, Kano, Bangui, Archambault, Bangassou, Stanleyville, Albertville, Kiube, Élisabethville, Lusaka-Victoria-Falls, Prétoria, Bulawayo, Pietersburg, Johannesburg et Le Cap, après au 44 jours de course. Comme tous les Rallyes, le règlement imposait un temps maximum sur chaque étape, sous peine de pénalité. Même règlement appliqué encore aujourd’hui. Il est manifeste que les pistes avaient été améliorées grâce aux Sapeurs du Génie Saharien, puisqu’ils ont adouci ou supprimé les obstacles les plus redoutables. À certains endroits, les pistes avaient été élargies pour les camions. Au Nigéria, la route était bitumée à l’exception de quelques dizaines de kms. Côté présence des membres de l’organisation, le Rallye pouvait compter sur une centaine de bénévoles qu’il fallait ravitailler tous les jours et leur trouver un campement, tous les soirs. Sur le Paris-Dakar, c’est ‘’Totale’’ qui assurait le ravitaillement, sur le Rallye Alger-Le Cap, c’est la société Shell qui assurait le plein. Mécaniquement, les concurrents pouvaient compter sur les casernes militaires et le bon système D ! bien connu des baroudeurs du monde entier, pour remettre sur pied les véhicules. On parle souvent du danger de la montagne et de la mer…, qu’en est-il du désert ? C’est la même chose en fait, pour résumer la nature est toujours plus forte que toi. 

Le Rallye Alger – Le Cap était aussi un test pour toutes les marques, car, cette aventure suscitait, de plus en plus, l’intérêt de certains constructeurs. La firme Simca qui, ayant préparé sept voitures pour réaliser les reconnaissances sur plusieurs milliers de kms, afin de tester les pistes sahariennes avec l’aide du Génie militaire, en place. Niveau sécurité, à chaque départ d’étape, le Commissaire Général était toujours en tête de la caravane, et le directeur sportif en fin de peloton, style camion balai pour récupérer les perdus ou les abîmés. Comme il y avait environ 2 000 kms entre chaque frontière, le Commissaire Général facilitait l’administratif aux frontières. En Algérie, la route du Hoggar qui avait été empruntée par les concurrents, fut surveillée de bout en bout par des postes militaires, des patrouilles et des avions, afin d’empêcher d’éventuelles attaques de rebelles. Sur les grands plateaux, certains concurrents avaient oublié ou ne savaient pas l’importance capitale de la pression des pneumatiques. De ce fait, plusieurs équipages ont subi 8 à 10 crevaisons par jour sur le grand plateau du Tademaït. À ça, il fallait y ajouter la souffrance des transmissions qui absorbaient un terrain cabossé, dû à la charge des véhicules de séries. 

Au Congo Belge, les concurrents ont rencontré des passages compliqués, mais, les bacs avaient été remplacés par des ponts pour éviter les longs transferts. Malgré tout, il fallait traverser encore beaucoup de Poto-Poto (Quartiers populaires très denses au Congo). Une fois en Union-Africaine vers Messina, les véhicules les plus rapides atteignaient sur les routes des moyennes de plus de 80 à 100 km/h. Des anecdotes, il y en a eu. Sur une étape, un concurrent avait cassé une pièce indispensable entre Arak et Tamanrasset. La seule pièce de rechange se trouvait à Alger. Autrement dit, allait devoir attendre en plein désert dix à quinze jours d’arrêt. Heureusement que le poste de radio Thomson-Houston d’un reporter fonctionnait. Branle-bas de combat, Alpha, Bravo, Delta, une heure plus tard, le représentant de la marque à Alger est informé. Cà tombait bien, un avion d’Air France devait partir quelques heures plus tard pour Tamanrasset. Ce jour-là, la chance allait donc sourire à l’équipage, en panne. Le lendemain, la compagnie nationale dépose la pièce à l’aéroport de Tamanrasset. Ensuite, c’est un petit avion-cinéma qui la déposa en plein désert, à côté de la voiture. L’équipage pouvait ainsi réparer avec les moyens du bord, pour rejoindre le Rallye sur les chapeaux de roues !

La forêt Tropicale du Congo obligeait les concurrents à couper à la hache des arbres de pus de 4 mètres, pour dégager les pistes.

Deux poids lourds # 17 et # 18 de la marque Unic étaient inscrits dans la catégorie utilitaire. Comme sur les premiers Paris-Alger-Dakar, ils jouaient les bons samaritains du désert en ouvrant la piste pour les véhicules plus légers. Même si ces camions étaient parfaitement adaptés aux pistes africaines avec leur large empattement, la difficulté pour eux a été la traversée du Sahara, avec ses passages escarpés du Kivu, ses pistes étroites et ses virages dangereux. Parfois, les quatre roues ne touchaient même plus le sol, tellement la piste était creusée. Les ponts en bois au Congo Belge étaient tout aussi des passages scabreux au-dessus des rivières. Curieusement, sur le bord des rives, la population et les éléphants avaient les yeux ébahis de voir des Européens affronter une forêt tropicale, si dense. Du Camel Trophy avant l’heure ! Malgré toutes les galères, les deux camions termineront l’un et l’autre 6e et 7e, au classement général. Voilà pourquoi, des années plus tard, on retrouvera des camions de la marque UNIC et MAN, sur le Paris-Alger-Dakar.

Le 20 février 1959, c’est sur les quais ensoleillés de la capitale d’Afrique du Sud que se terminait le 4e Rallye Alger-Le Cap. Sur 22 équipages au départ, 21 passeront la ligne d’arrivée. La population de Cap-Town était le temps d’un Week-end sur la ligne d’arrivée pour immortaliser ces instants. Terminées les grandes barbes poilues, les combinaisons crasseuses, les pataugas usés sans lacet, les carrosseries cabossées maculées de poussières ocre et rougeâtre. Devant l’hôtel, tout le personnel attendait de pied ferme les crasseux ! Non, cette épreuve n’a pas été une promenade de santé en potes ! Bien au contraire, cette course a demandé aux équipages des qualités de pilotages hors normes, humaines, avec une résistance morale et physique, hors du commun. De plus, un véhicule, quel qu’il soit, ne traverse pas impunément toute l’Afrique du Nord au Sud, sans souffrir terriblement jusque dans les coins les plus secrets du mystère. Tous les Dakariens le savent « Le diable se cache toujours dans les détails ! ». En fait, tout ce qui paraissait simple, devenait compliqué.

Classement général final : 1er # 23 Karl Kling / Rainer Gunzler (Mercedes Diesel 190 D).

Avec une vitesse moyenne de 78, 84 km/h sur 13,700 kms de pistes en tous genres, le Land Rover termine cette 4e édition sous les applaudissements des badauds. Après les festivités Africaines, c’est avec beaucoup de souvenirs et de nostalgies que les équipages reprenaient l’avion d’UTA le 26 février, pour Paris, avec l’espoir de revenir ferrailler sur la prochaine édition. En 1971, les frères Marreau détiennent toujours le record de cette épreuve avec leur R12 Gordini, en huit jours de course.

En 1985, René Metge, Thierry Reverchon, Nicolas Hulot Patrick Baudry et Jérome Hurpoil se lancent à l’assaut du ‘’Le Cap-Alger’’ avec deux 504 Dangel pour battre le record des frères Marreau. Malheureusement, ils connaîtront l’expérience du ‘’Coitus-Interruptus’’ par les douanes Algériennes. Ils n’atteindront donc jamais, Alger. Début 70, René Metge avait acheté le garage Unic à Malakoff, qui baptisera  »Aurorama 92 ». Toute une histoire qui mettra en selle René sur l’Abidjan-Nice, puis, sur la deuxième édition du Paris-Alger-Dakar. Comme quoi, il n’y a pas de hasard, mais juste des coïncidences. « De cette aventure, nous avons connu aux heures de miracles une certaine qualité des relations humaines. Là est pour nous, la vérité ». Antoine de St Exupéry.

Auteur : Gilles David Avec le concours et la mémoire de Claude Prévost.

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