Le doyen du Dakar fait de la résistance !

30 janvier 2024

Trois cent quarante partants pour cette 46e édition, longue de 8 000 kms, dont 4 700 de spéciale. Après les vérifications techniques et administratives, les Français # 244 Buggy MD Optimus de Jean-Pierre Strugo et de Christophe Crespo, étaient autorisés à prendre le départ de l’édition  »Dakar 2024 ». Après sa victoire en 2019 sur l’Africa Eco Race, J.P Strugo renouvelle sa confiance auprès de l’écurie MD Optumus, d’Antoine Morel. Tour le monde le sait, le travail d’équipe, c’est le contraire parfait de la bonne gestion du temps !  

Les hostilités commencent !

Le cinq janvier, les hostilités commencent par un prologue de 28 kms, qui détermine l’ordre de départ d’une longue et difficile édition. Le temps de se familiariser avec le terrain au du prologue. L’équipage # 244 enchaîne la 1ère étape, le 6 janvier. Sur le papier, le tracé est de 530 kms, dont 410 de spéciale. C’est une mise en jambe lourde pour celles et ceux qui découvrent l’enfer du désert, tout comme un bébé qui prend pour la première fois son bain dans l’eau froide ! Ça commençait fort. En dehors des concurrents du Paris-Alger-Dakar de 1987, lors de la première étape en Algérie, personne n’avait jamais connu autant de galères, le premier jour. Le programme était copieux ! Des gros cailloux, des saignées, et du fesh-fesh qui voltigeait sur les pare-brises, le tout, sur plus de 400 kms. Un enfer redouté depuis la veille, chez les profanes. Solide comme un roc, Jean-Pierre Strugo frôle tout de même la correctionnelle avec deux crevaisons. Le Buggy est obligé de faire les 200 derniers kms sans roue de secours. La deuxième crevaison était due à un incendie provoqué par la première. L’incendie fut éteint rapidement avec du sable, pendant que le copilote détachait les extincteurs, pour éteindre le feu. Malgré tout, l’équipage gagne deux places et se retrouve 39ème, au classement général. 

Le lendemain, les premières dunes font leur apparition. Une sortie du bivouac retardée pour leur Buggy à cause d’une panne d’alimentation électrique. Branle bas de combat, les mécanos changent la batterie, l’alternateur, les capteurs, mais rien n’y fait. Pendant ce temps, l’horloge tourne et égraine les minutes. Finalement, après 2 h00 d’intervention, le Buggy flambant neuf sort enfin du bivouac pour rejoindre la ligne de départ, mais malheureusement, avec quelques minutes de retard après la fermeture du CH. Malgré les négociations engagées avec les Commissaires, de course, rien n’y fait. Ici, c’est comme la valise RTL, on ne rigole pas ! Donc, impossible pour eux de prendre le départ de cette spéciale. Le constat est sans appel, l’équipage est obligé de prendre le goudron pour rejoindre le prochain bivouac. Les questions dans l’habitacle se posent. Hors course ? Autorisés à continuer avec une grosse pénalité ? Où rentrer à la maison ? Tout était envisagé. Finalement, Jean-Pierre Strugo écope de 7h00 de pénalité, plus, 25 heures de pénalité forfaitaire. Au total, c’est 32 heures de punitions. De ce fait, le Buggy MD se retrouve au classement général à la 157eme place. C’est la douche froide qui fait tomber la cabane sur le chien ! Autant dire que le classement n’avait plus grand intérêt, pour eux.

Ils prennent malgré tout, le départ de la troisième étape, nommée ‘’galères’’ dans la poussière des autres concurrents. Mais, après 70 kms de pistes en tous genres, le Buggy MD s’affaisse avec un support d’amortisseur cassé. Deux heures d’attente pour que le camion d’assistance arrive auprès d’eux. Il faudra une heure de mécanique et de soudure pour repartir et terminer les 370 kms, restant. Mais voilà, la nuit tombe vite dans ses contrées. Des passages de dunes en pleine nuit avec plusieurs ensablements, où il fallait sortir les pelles et des plaques, à la lampe frontale. Des galères presque obligatoires pour enfin passer devant le CP, à 21h00. Quand l’odyssée du Dakar se transforme dans une guerre sans merci, au milieu d’une nature hostile, mais aussi, d’une pureté extraordinaire. C’est ça le Dakar. Voilà la raison pour laquelle cette épreuve auto/moto/SSV/camion, reste la plus difficile au monde.

En avant Guinganp !

L’étape suivante fut sans problème particulière, mais avec malgré tout, une poussière danse qui finissait par recouvrir le Buggy d’un voile ocre. Partis 150ème, le duo termine 61ème dans la catégorie voitures, camions et SSV, confondus. Donc une spéciale « plaisir » avec 25 kms de très belles dunes, sur la fin. Un bon entraînement pour celle du lendemain qui était particulièrement courte, avec seulement 120 kms, 100% dunes et franchissements. J. P Strugo pouvait s’élancer mieux classés, puisque le départ se faisait dans l’ordre du classement de la veille. RAS. Arrivée au bivouac sous la voûte étoilée, la température était glaciale, à ne pas mettre un chat dehors ! Partis 150ème le matin, l’équipage Strugo/Crespo avec la forte intention de cravacher toute la journée, donc, de passer à l’attaque. Sortant de la bouche de J.P Strugo, les mots du pilote ont toujours une signification pour prévenir ses adversaires. Ça ferraillait dure dans l’habitacle. Mais, il savait que la moindre erreur de pilotage peut coûter très cher, sur ce genre de piste. À l’arrivée, il avait pratiquement comblé une grande partie de son retard, et termine 61ème au classement des voitures, camions et SSV. Christophe Crespo << La navigation était particulièrement compliquée avec de nombreux points GPS difficiles à trouver, surtout dans cette poussière qui recouvrait tout le véhicule >>. Lors du briefing, l’organisation avait prévenue tout le monde qu’à certains endroits la vitesse moyenne des premiers de la classe, ne pouvait être que de 50 km/h. Mais, avant de savourer la performance du jour, il restait encore 500 kms de liaison, pour rejoindre le bivouac sans encombre.

48 heures, chrono !

Au lever du soleil, c’est 600 kms de spéciale à effectuer en deux jours, avec un stop dans le fameux océan de dunes de « l’empty quarter ». C’est un bivouac improvisé, sans assistance, ni confort, et encore moins de communication. Finalement, le Buggy MD s’en sort bien. Aucune galère dans cette étape ‘’marathon’’ que les anciens pilotes et copilotes des Paris-Dakar connaissent bien. Des moments forts qui resteront dans l’histoire du Paris-Dakar, Afrique. Avec une étape de 600 kms, c’est près de 550 kms d’un océan de sable fin, de dunes et de dunettes, avec aussi, des cordons magnifiques et impressionnants à franchir. L’équipage passera douze heures au volant de leur Buggy, heureusement entrecoupé par un stop pour bivouaqué, en plein le désert. Un repos bien mérité, avec tout de même de la mécanique pour le duo.

Le lendemain au coup de clairon ! Le départ est donné à 5h00 du matin. Dès les premiers kms, à part quelques ensablements, pas trop compliqué, le Buggy se faufile sur le sable à la vitesse d’un Cobra ! Même si l’équipage perd deux plaques de désensablage, tout se passe bien. En revanche, ce qui était plus inquiétant, c’est la consommation d’huile qui devenait anormale. La journée de repos permettait de faire une révision complète avant de s’élancer sur la deuxième partie du Rallye. À ce moment précis, le Buggy MD est classé 34ème, au classement général des autos. De quoi souffler un peu. Direction l’hôtel pour un repos bien mérité, sauf pour les mécanos qui allaient passer leur journée, à remettre sur pattes le véhicule. Force est de constater que cette année, la course les ramène tous les concurrents à une dure réalité, comme à la belle époque du Paris-Alger-Dakar, où tout peut arriver en une fraction de secondes. Vous pouvez avoir la meilleure voiture du plateau, les meilleurs mécanos, une épée en navigation, où le plus gros camion d’assistance, ce n’est pour ça que vous passerez la ligne d’arrivée, la fleur au fusil. Comme le disait souvent René Metge « De toute façon, c’est à la fin du bal, qu’on paye les musiciens, car la scène doit constituer l’essentiel du travail d’un musicien ».

Le plein d’huile, SVP !

C’est reparti pour la seconde moitié du Rallye. L’étape suivant n’avait pas de difficulté majeure, mais tout de même avec 6h45 de roulage pour venir à bout des 480 kms de pistes très variées. Des paysages splendides, parsemés de draps de sable ocre et fin. Des points GPS difficiles et des pistes IIII, avant de trouver la piste principale. Beaucoup de concurrents écoperont des 15’ de pénalité pour chaque point GPS manquant. Si en nav, c’est une bonne étape pour le copilote, il en est pas de même pour le moteur donne de plus en plus de signes inquiétants, avec une multitude d’arrêts pour remettre refaire le niveau d’huile, en liaison. En remettant de l’huile, le copilote constate une fuite au radiateur d’eau, décidément, quand ça veut pas, ça veut pas ! Cette spéciale faisait 436 kms très Rapide et dangereuse à la fois.

C’est donc une étape catastrophe qui attendait le duo. Radiateur réparé, mais leur moteur consommait toujours autant d’huile. Huit litres d’huile en seulement quelques dizaines de kms, plus un autre bidon de 5 litres généreusement fourni par un camion Tchèque, en pleine spéciale. Malgré tous les problèmes mécaniques et compte tenu des difficultés rencontrées par les autres concurrents, Jean-Pierre Strugo termine cette étape à la 40ème place, au classement général des autos, mais avec un moteur à qui crie à l’agonie ! Pour eux, il n’y a que deux solutions pour aller plus loin : Soient, ils essayent de parcourir l’intégralité des trois dernières étapes au même rythme avec le risque de casser le moteur, et donc d’abandonner, soient, ils lèvent le pied, en prenant un maximum de pénalités, avec obligatoirement un recul au classement général. C’est le deuxième choix qui est fortement recommandé par Antoine Morel, le patron du Team MD Compétition.

Papy fait de la résistance !

Doyen de la course, Jean-Pierre Strugo se devait de porter l’étendard jusqu’à l’arrivée. Sur cette avant-dernière étape, il fallait parcourir 180 kms pour atteindre et se rapprocher du ‘’Gral’’. Pour y parvenir, au bivouac, les mécanos opèrent le moteur à cœur ouvert ! En introduisant une caméra endoscopique dans les 8 cylindres, afin de connaître l’origine du mal. La sentence est sans appel, un piston était percé. De cette conclusion, l’équipage sait que le moteur aura de moins en moins de puissance pour terminer, sur les chapeaux de roues. Pendant ce temps, devant, la bagarre finale fait rage entre Carlos Sainz et Sébastien Loeb. Un bras de fer qui risquait de se terminer en froissement de tôle ! Entre les trois premiers. Allions-nous assister à une lutte régulière, ou à une passe d’armes, sans merci, pour l’apothéose ?

Face à l’immensité, le plus dangereux, c’est de ne pas avoir peur !

C’est la dernière séance. Tous les concurrents du Paris-Dakar et du Dakar vous diront la même chose. La dernière étape reste et restera la plus stressante de toutes les étapes. Elle met les nerfs à rude épreuve. Dans l’habitacle chacun rumine en sourdine « Il faut tenir jusqu’au bout, ne nous lâche pas dans la dernière ligne droite >>, parlant de leur belle mécanique. En ce matin du 19 janvier, les visages étaient tirés et marqués sur la ligne de départ. L’orga disait « Espérons que la quasi-totalité des concurrents seront à l’arrivée pour monter sur le podium, et ainsi, fêter dignement ces deux semaines de course instance, et de fortes émotions ».

Papy de quatre petits-enfants, Jean-Pierre Strugo avait la farouche envie de terminer cette édition, pour qu’ils soient fiers de lui. Mais comment éviter un arrêt brutal en pleine spéciale à cause du moteur ? En fait, il n’y a pas vraiment de solution. Dès l’aube, le stress envahi de plus en plus Jean-Pierre Strugo « Aurons-nous assez d’huile dans le moteur pour passer la ligne d’arrivée ? ». C’est toute la question. Enfin, quand faut y aller, faut y aller. Le MD s’arrêtera quatre fois pour remettre de l’huile dans la ‘friteuse !’’ Au fil des minutes, l’équipage se rapproche tranquillement vers le podium, si convoité, depuis quinze jours. Chaque mètre est une douleur pour ces deux valeureux guerriers, qui n’aspirent qu’à une seule chose ‘’Passer sous l’Arche’’. Des dizaines de litres d’huile ont été besoin pour que Jean-Pierre Strugo termine avec panache, son 32ème Dakar. Même si l’équipage est complètement essoré à l’arrivée, le Buggy bleu MD #244 termine cette édition à la 51ème place, dans la catégorie auto. Respect, car ils n’ont jamais baissé pavillon. Jean-Pierre Strugo et Christophe Crespo savourent ces moments de plaisir, en évacuant le suspense insoutenable de ces derniers jours, en haut du podium.

Sur les 340 partants, seulement 182 équipages montent sur le podium. Haut les cœurs ! Conclusion, pour les pilotes la perfection est parfois inaccessible, mais, l’excellence oui. La suprême récompense d’être reconnu n’est pas ce qu’il vous permet de gagner, mais ce qu’il vous permet de devenir. Jean-Pierre Strugo sera-t-il présent en 2025, c’est toute la question. Toujours est-il que l’édition 2024 restera à jamais marquée par tous ces exploits hors du commun. Clap de fin. À l’unanimité, tout le monde s’accorde à dire que l’organisation de David Castera était au top. Donc, à l’année prochaine pour de nouvelles aventures, avec de nouveaux aventuriers.   

Classement général :

1 # 204 Carlos Sainz /Lucas Cruz. Audi Sport

2 # 227 Guillaume de Mévius/Xavier Pansari. Overdrive

3 # 203 Sébastien Loeb/Fabian Lurquin. Bahrain Xtreme

Auteur : Gilles David. Crédit photos :

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