Le petit gars de Mostaganem, qui est devenu Champion du Monde.
« Il a toujours été un homme libre de ses actes et de ses pensées »
Mais, qui est-il vraiment ? Né à Mostaganem en Algérie. Le jeune Pierrot commence dès son apprentissage à quatre ans sur les genoux de son père, à bord du tracteur. Puis à neuf ans, il le conduit pour emmener les ouvriers agricoles dans les vignes.
Qui aurait pensé que quelques années plus tard, ‘’Pierrot’’ pour les intimes, détiendrait quatre titres de Champion du Monde FIA des Rallyes Tout Terrain et plusieurs dizaines de victoires sur les plus grandes épreuves internationales ? Personne, en dehors de son père et quelques copains qui voyaient déjà en lui, un ‘’casse-cou’’, qui n’avait peur de rien.
L’œil vif, toujours avide d’apprendre et de s’améliorer, le jeune garçon quitte le Tracteur et emprunte la Simca Beaulieu de son père pour s’essayer dans les vignes de l’exploitation familiale. Tenir un volant, lui plait tout de suite « Voilà mon futur métier », disait-il, au patriarche. En attendant, il devait faire ses preuves au sein de l’entreprise familiale.
Revenu en France, Pierre Lartigue passe un CAP de carrossier et tous les permis de conduire, y compris celui de poids lourd. C’est grâce à ce permis qu’il arrive à faire des économies, ce qui lui permet de s’acheter une Mini Cooper 1100, en 1969. Puis un an plus tard, il rejoint un membre de sa famille à Perpignan, propriétaire d’une société de transport. Ce nouveau travail lui permet encore une fois de faire des économies pour acheter une R12 Gordini, en 1972, avec laquelle, il va s’inscrire à un rallye neige. Il terminera 2e au scratch. Ensuite, pour les saisons de 1975 et 1976, Pierre Lartigue roule sur une Simca R2 GR.
Peugeot 504 Rallye
Sa rencontre fortuite avec Bob Neyret à Nice, a sans doute été l’élément déclencheur de sa future carrière. Bob Neyret lui vend sa Peugeot 504 rallye avec laquelle, il va parcourir 100 000 km de course en tous genres de 1977 à 1980. De ce fait, la presse spécialisée commence à s’intéresser à lui, puisqu’en 1981, il est au volant d’une 104 ZS pour se frotter aux meilleurs sur le rallye des milles pistes. Grâce à ce véhicule, il peaufine son pilotage pour devenir le meilleur, car son appétit de vaincre ne cesse de grossir.
Lada Niva 4×4
Quelques mois plus tard, il est attiré par la petite Lada Niva 4×4, qui, devient un véritable phénomène de société et fait découvrir une certaine liberté de conduite, pour tous les amoureux de la nature. Rapidement, la petite ‘’passe partout’’ va conquérir l’Europe entière par sa robustesse et sa légèreté, conjuguant des qualités encore inconnues dans le milieu automobile.
Finalement, tout le monde l’adopte contrairement aux autres 4×4 qui sont plus lourds, plus encombrants et plus gourmands. Ce qui attire les futurs acheteurs, ce sont ses qualités de franchissements, sa robustesse et son prix très abordable. Avec ses qualités indéniables, le véhicule sillonne les chemins, les forêts et les montagnes. Maniable, elle fait le bonheur des chasseurs et des gardes forestiers. C’est ainsi, que des milliers de personnes découvrent le sport loisir et la balade en 4×4, au milieu d’endroits et de paysages inconnus, pour la plupart des randonneurs.
Révolutionnaire, c’est aussi le premier 4×4 que les citadins découvrent dans les villes. Rien ne l’arrête, pas même les pentes à 58% les hauts gués et les couches de neige montagneuses. Le succès est tel que les clubs et les écoles de pilotages s’emparent de la formule. Le rêve devient réalité. La Lada s’impose rapidement comme leader puisque dès les premiers mois, les ventes représentent 40% du marché des 4×4 en Europe (20.000 immatriculations par an, rien qu’en France). Ce petit 4×4 débarque en France pour la première fois en 1978 au Salon de l’automobile. Lada veut dire en Russe ‘’Champ de blé’’.
Pilote professionnel pour l’écurie Lada Poch
C’est en 1982 que le jeune Lartigue devient professionnel. Ses débuts en Rallye-Raid passent par le Rallye de l’Atlas avec une Range Rover ETT. Ce sera sa première victoire dans cette discipline. Son père avait vu juste.
Véritablepassionné de compétition automobile, Jean-Jacques Poch décide en 1980 de se lancer dans la cour des grands. La performance de Pierre Lartigue vient vite aux oreilles du boss, qui lui propose un baquet pour la saison 83 et 84 au volant d’un véhicule d’usine, spécialement préparé pour la compétition. L’écurie Lada Poch est née.
Entre temps, Jean-Claude Briavoine s’engage sur le Paris-Dakar avec sa Lada Niva pratiquement de série. Les engagés vont au-delà des espérances et les victoires s’enchainent les unes derrières les autres, puisque les plus grands pilotes et copi de la discipline s’associent à la marque : Jacky Ickx, Pierre Lartigue, Jean Claude Briavoine, Jean-Pierre Jabouille, Georges Lansac, André Trossat, Jean-Pierre Joussaud, Loïck Peyron, Hubert Auriol, Philippe Monnet, Christian Tarin …
Les résultats ne se font pas attendent, Pierre Lartigue remporte le Rallye de l’Atlas avec la Lada Poch. Les années se suivent et se ressemblent puisqu’il monte sur la plus haute marche du Podium au Rallye de Tunisie, au Rallye d’Algérie et à la Baja Aragon. C’est le départ d’une immense carrière. D’ailleurs, en 1983, Pierre Lartigue participe aux 24 Heures du Mans Camion, l’année où René Metge remporte cette édition devant henri Pescarolo.
Décidément, les pistes ensablées lui tendent les bras, et plus rien, ni personne n’arrêtera le pilote. Il faut dire que la bataille est rude entre 1983 et 2000. Les adversaires se nomment : Metge, Ickx, Tambay, Pescarolo, Auriol, Mouton, Reggazzoni, Alliot, Zaniroli, Da Silva, Shino, Arnoux, Fontenay, Auriol, Schlesser, Salonen, Strugo, De Lavergne, Tartarin, Wambergue, Waldegard, De ce fait, la Lada Niva 4×4 se retrouve sur les plus grandes épreuves automobiles internationales Tout Terrain.
Après ces quelques années de rodages avec la Lada Poch, l’histoire continue pour Pierre Lartigue avec l’écurie Mitsubishi Rallyart, avec laquelle il gagne encore le Rallye de Tunisie et l’Atlas.
Elle avait belle allure cette Lada Niva 4×4 en 1992 sur la Place du Trocadéro, au départ de la première édition du Paris-Moscou-Pékin, face à l’armada Citroën et Mitsubishi. Sur cette course, sa robustesse est mise à rude épreuve. Pourtant, la Lada Niva de l’équipage Russe résiste brillamment et termine le Rallye à la 21e du classement général, forçant ainsi, l’admiration des sceptiques de l’époque.
Un roseau qui pli, mais que ne rompt pas
Plus le temps passait, plus la personnalité de Pierre Lartigue attirait la convoitise et de nouveaux talents issus de la WRC comme Ari Vatanen, et Bruno Saby en profitent pour chatouiller la discipline « Non d’une pipe,nous n’allons pas laisser se Pierre Lartigue prendre les commandes de notre terrain de jeu», disaient les deux anciens pilotes de WRC.
Ces grands pilotes allaient de nouveau s’affronter sur des milliers de kilomètres à travers le monde. C’est le début d’une redoutable bagarre et de duels entre Lada, Range Rover, Peugeot, Citroën et Mitsubishi. Cette période attire un immense public et tout le monde attend celui qui cédera le premier ?
En septembre 1992, pour contrer l’armada Mitsubishi, Guy Fréquelin, alors directeur de Citroën Sport, fait appel à Pierre Lartigue pour piloter la Citroën ZX Rallye Raid « Pierre Lartigue pourra nous aider à devenir les meilleurs dans cette discipline, de plus il a la capacité de surprendre ses adversaires, ce sera pour nous, la clef du succès ». Guy Fréquelin et les ingénieurs de chez Citroën ne croyaient pas si bien dire.
Après de longs et pénibles essais de la voiture, les défauts de la ZX sont vite corrigés (suspension, équilibre, puissance, trajectoire, sécurité…). En quelques mois, grâce à Pierre et à son fidèle copilote Michel Perrin, les ‘’Chevaux sauvages’’ ne cessent d’évoluer. Avec son copilote Michel Perrin, le duo formait un équipage redoutable. Il était impossible pour les autres marques d’aller les chercher, à la régulière. Avec cette voiture, le duo sera sacré quatre fois Champion du Monde FIA des Rallyes Tout Terrain (1993, 1994, 1995 et 1996). De quoi faire rugir de jalousie, n’importe quel lion en cage !
En dehors de sa rage de gagner, si un jour, vous croisez Pierre Lartigue sur une épreuve ou dans la vie, vous ne pourrez pas oublier sa gentillesse et sa courtoisie. Que vous soyez pro ou amateur, il ne fait jamais de différence entre ces deux mondes. Selon lui, chacun a sa chance du moment que les règles sont respectées. D’ailleurs, durant toute sa grande carrière, pas une seconde, il n’a oublié d’où il venait. Un patriarche agriculteur qui lui a inculqué les valeurs essentielles du respect et du partage. De plus, Pierre Lartigue a toujours été reconnaissant envers les membres de son équipe « je fais confiance aux autres parce que, j’ai confiance enmoi. Ce n’est pas plus simple que cela ».
Comme René Metge, il est un metteur au point, hors pair.
Pointilleux, assurément. Aux bivouacs, il explique avec minuties, ce qui va, et ce qui ne va pas sur la Citroën ZX. Son ressenti de la journée était pour les ingénieurs de Citroën Sport un atout enrichissant pour améliorer les performances du véhicule, à tel point que par moment, le discours ressemblait à celui des paddocks, que l’on retrouve en Formule 1.
Battant comme jamais jusqu’au bout des ongles, Pierre Lartigue n’aime pas voir les feux arrière d’un autre véhicule. Son caractère bien trempé l’oblige à se surpasser et à déposer ses adversaires, tout comme lorsqu’il s’essayait entre les vignes de l’exploitation familiale. C’est sûr, elle vient de là cette envie de constamment vouloir être le premier. Quand il commence à se lancer dans la bagarre pour le Podium, son pilotage, sa maîtrise, son enthousiasme et l’art de la ruse suffisaient pour vaincre, les meilleurs d’entre eux. « L’expérience est nécessaire, disait-il ».
Un palmarès impressionnant avec la ZX
De 1983 à 1997, il remporte 32 victoires en Rallye-Raid, dont 3 victoires sur le Paris-Dakar, avec la Citroën ZX (1994-1995-1996).
Cette Citroën ZX lui offre aussi une superbe victoire sur la première édition du Paris-Moscou-Pékin, en 1992.
Pierre Lartigue a été sacré quatre fois Champion du Monde des Rallyes Tout Terrain (1993, 1994, 1995 et 1996).
Avec son copilote, Michel Périn qui a été six fois Champion du Monde en Rallyes-Raids. Tous les deux ont vécu en 1992, une extraordinaire aventure humaine sur le Paris-Moscou-Pékin, durant 27 jours, à la vitesse d’un TGV ! Partir du Trocadéro le 1er septembre pour rouler sur les pas des pionniers de la Croisière Jaune, c’est un moment que peu de concurrents ont connu dans l’histoire de l’automobile.
Un repos bien mérité
Son plus grand regret, c’est lorsque Citroën a arrêté la compétition en Rallye-Raid pour une question de règlement. Malgré tout, sa plus grande satisfaction restera sa victoire sur le Paris-Moscou-Pékin de1992, avec la Citroën ZX, qui, elle, la comblée de couronnes, plusieurs années.
Auteur : Gilles David
Photos : Collection privée de P.L