Le 3 janvier 2024 fut une grande perte pour nous tous. Il ne suffit pas de parler des étoiles, mais de devenir une étoile. C’est très exactement ce qui est arrivé à notre copain René Metge. Il commence sa carrière en compétition à moto sur une Derbi 50 CC en 1960. Puis, en 1966 lui vient l’idée d’ouvrir un garage pour retaper des 4L. En attendant, il passe ses week-ends à refaire la mécanique d’une 2C. Je rencontre René en 1968 à Malakoff dans le commerce de mes parents, Ave Pierre Brossolette.
Convaincu de l’adresse du jeune pilote, son patron Lucien Forestier lui propose de rouler avec sa Cooper’s à Montlhéry, sur la course ‘’Des Palmes d’Or’’. René gagne l’épreuve. Les clubs de motos et d’autos de Montrouge et Malakoff sont rapidement au courant. Quelques semaines plus tard, il récidive sur le Rallye de Touraine. René participe ensuite à différentes épreuves en 1968 et en 1970 avec la Cooper’s et avec une Simca 1000. De ce succès, il commence à être remarqué par Renault Compétition. En 1970, il pilote une R8 Gordini 1300 pour améliorer sa conduite, en attendant la sortie officielle, prévue en 1971, de la célèbre R12 Gord 1600.
De mon côté, je passe mon permis moto et j’achète une 500 Four Honda d’occasion. Du coup, pour me mettre le pied à l’étrier, René me recommande auprès de l’écurie Blaynac Honda Montrouge, pour assister le pilote de pointe dans les paddocks. À plusieurs reprises, je croise René et Coluche sur différents circuits : Montlhéry, Rouen, Charade, Dijon….
Après des années concluantes avec la R 8 Gord sur de nombreux circuits avec Renault Colin-Montrouge. La concession de Renault lui dit : « René, nous n’allons pas en rester là. » Elle lui propose de devenir pilote officiel de l’écurie. Avec une telle équipe, il n’était pas question pour lui de refuser cette offre. René décide d’un accord commun de poursuivre l’aventure avec Renault, mais cette fois, avec la fameuse R 12 Gordini, pour gagner la Coupe de France 1971.
La première épreuve se déroule en mars à Magny-Cours, sous une pluie battante. Le leader Maillochon victorieux l’an passé, était le grand favori de cette septième édition de la Coupe Gordini. Aux essais, ils sont quatorze concurrents dans la même seconde. Malgré cette farouche concurrence, René se bat comme un beau diable sur tous les circuits. À la fin de cette saison 1971, René termine à la dixième place. En 1972, le règlement est légèrement modifié dans le barème de points qui comptabilisait jusqu’au dixième classé de chaque épreuve. Comme par le passé, le record du tour était assorti de deux points supplémentaires. Cette année-là, tous les concurrents avaient la possibilité d’installer un collecteur d’échappement fourni par Devil. Ce sont les seules modifications techniques apportées pour l’édition par la FFSA. Le contrat sera respecté avec Renault Colin-Montrouge, puisqu’à la fin de la saison 1972, René remporte la Coupe de France R 12 Gordini, et en plus, il empoche 7 500 Francs.
Grâce à cette victoire, Renault lui offre la saison 1973 en Formule Renault. Sa réputation commence à se forger auprès des pilotes les plus aiguisés. Michel Beltoise dit de lui « René, c’est un gentil aux paddocks, mais un redoutable adversaire sur la piste. » Cette année-là, il rencontre pour la première fois, Didier Pironi, René Arnoux, Patrick Tambay et Dany Snobeck. René terminera 14e au classement général de cette saison, très constructive pour lui.
Depuis 1974, René se consacre entièrement au bon fonctionnement de son garage qu’il avait racheté à Lucien Forestier, rebaptisé » Autorama 92 « , ave Pierre Brossolette. »Concession Britsh-Leyland ». Mais c’est bien connu, chassez le naturel, il revient vite au galop ! René rêve de revenir en compétition. Ce sera avec la Triumph Dolomite Sprint avec laquelle il reprendra du service dans la catégorie Supertourisme. Il sera sacré Champion de France en 1976 et en 1978. Il y a trois ans, Jean-Pierre Jaussaud m’avait raconté une anecdote, entre lui et René. « J’ai un souvenir d’une bagarre mémorable entre lui et moi au Championnat Supertourisme, en 1975, à Pau. Nous courions tous les deux sur une Triumph Dolomite Sprint. Pendant plusieurs tours, nous étions chiens et chats ! portes contre portes dans les chicanes. À chaque passage, les spectateurs se levaient pour voir ce spectacle incroyable. Ni lui, ni moi n’avions l’intention de lâcher prise. Des moments comme ça, je ne peux pas les oublier. »
Reconnaissable de loin sur les circuits avec son Stetson, dès lors, les copains surnomment » Le Cow- Boy de Malakoff « . Puis, il participe six fois aux 24 Heures du Mans dans la catégorie auto. 77, 79, 82, 84, 86 et 87 que sur Porsche avec différents coéquipers, entre autres, avec Anny-Charlotte Verney. À plusieurs reprises, il sera pilote officiel de la firme Porsche, Stuttgart.
En rallye-raid, René fait ses premiers pas sur l’Abidjan-Nice (1975-1976). Ensuite, il emboîte le pas sur le Paris-Alger-Dakar, épreuve qu’il remportera trois fois. En 1981 (Range Rover VSD), 1984 (Porsche 911 SC) et 1986 (Porsche 959). En 1987, il est le recordman du monde de vitesse sur circuit. 382 km/h sur la ligne droite des Hunaudières aux 24 Heures du Mans. La même année, il remporte la première édition de la »Porsche Carrera Cup ».
René aimait aussi conduire des »Mastodontes ». Sur le Paris-Alger-Dakar 1980, il conduit un camion Leyland avec Thierry de Saulieu et Georges Landais, Sa victoire aux 24 Heures du Mans »Camion », en 1983, marquera, une fois de plus, les esprits de la presse spécialisée, puisqu’il fera la couv de l’édition France Routiers, en 1985. Sur le Paris-Dakar 1994, il roule sur un camion Perlini pour le Team Duc de Bourgogne.
Finalement, sa carrière est un mélange d’aventures, de découvertes et de partages. René Metge avait plusieurs flèches à son arc. Non seulement, il était un grand pilote, mais aussi un formidable organisateur de Raids et de Rallyes.
En 1990, personne n’a oublié le Raid Harricana qu’il organise avec Nicolas Hulot, en motoneige au Canada. Le Paris-Moscou-Pékin de 1992. 16 054 kms en trois semaines. 50 000 kms de reconnaissance avant de boucler le Road-Book. Une incroyable aventure qui a emmené 151 concurrents à travers, la Pologne, la Russie, le Kazakhstan, la Mongolie et la Chine. Mais aussi, il organise l’Africa Race avec Jean-Louis Schlesser, puis le Master Rallye…
Ces dernières années, René n’allait plus très bien, ballotté d’hôpitaux en hôpitaux, je voyais bien que son état se dégradait de jour en jour. Lorsque je repartais de l’hôpital ou de chez lui, je n’arrivais jamais à contenir mes larmes. C’est humain. Beaucoup de nos copains me téléphonaient pour prendre des nouvelles. Pour les rassurer, je m’efforçais de répondre que tout allait bien, mais qu’il était simplement fatigué. Plus les jours passaient, plus je me préparais à recevoir une mauvaise nouvelle, et celle-ci est venue lorsque sa fille Élodie m’a téléphoné le matin du 3 janvier 2024. Avant de décrocher, j’ai tout de suite compris que René était parti. Les huit mois qui avaient précédé sa disparition ont été très douloureux, pour moi et pour sa famille.
Ce dimanche 29 décembre, Françoise Graciet est passée au cimetière de Saint Urcize pour se recueillir sur la tombe de René. J’en ai profité pour lui faire passer un petit message, de ma part. Comme vous tous, j’ai passé tellement de bons moments avec lui, qu’il m’est difficile de ne pas penser à lui, surtout dans ces périodes de fêtes. René a toujours été gourmand, son péché mignon était les chaussons aux pommes. Partout, ou on allait, il fallait s’arrêter dans une pâtisserie. Lorsqu’il était à l’hôpital, je venais à chaque fois le voir avec un chausson aux pommes. Le plaisir est parfois simple. Alors, tant qu’il y aura des vivants, celles et ceux qui ont croisé ton chemin, ne t’oublieront jamais. Repose en paix, René.
« Il y a sans doute des moments où vous vous arrêtez pour contempler le ciel assis au pied d’une dune, d’autres ou vous vous retrouverez auprès de vos proches, où d’autres, où vous vous retrouverez seuls. Il y a aussi des jours où vous serez heureux, et d’autres jours où vous vous sentez tristes, comme aujourd’hui, vendredi 3 janvier 2025. »
Auteur : Gilles David (gd.redaction@orange.fr). Crédit photos DPPI & Collection privée.