

Parti le 17 mai de Pékin, 55 équipages s’élançaient depuis la Muraille de Chine à l’assaut de 14 889 km de régularité, sur les traces des pionniers de 1907 et des pilotes du Paris-Moscou-Pékin 1992, de René Metge. Thierry Sabine disait « Faire vibrer ceux qui partent, et faire rêver ceux qui restent. »



Au pied de la muraille de Chine, en ce beau mois de mai, les équipages ne partaient pas pour une promenade de santé, mais pour aller à la rencontre de l’aventure, durant 37 jours. Road-Book papier sur les genoux, ils allaient rouler sur des pistes défoncées et de l’asphalte plus ou moins en mauvais état, et plus précisément dans le désert de Gobi. Parmi les équipages engagés, tous les yeux étaient rivés sur plusieurs concurrents prestigieux : Un vainqueur des 24 Heures du Mans et un ancien pilote du Dakar Classic. Un ministre de Saint-Marin à bord de la plus petite voiture jamais engagée. Christophe Bouchut, vainqueur des 24 Heures du Mans, Daytona, Spa, Nürburgring et Dubaï, fait ses débuts en rallye d’endurance à bord d’une Peugeot 504 Coupé ex-usine. Le Prince Alfonso de Orleans-Borbón, qui lui était copiloté par un ancien du Paris-Dakar.


Le ministre du Tourisme de Saint-Marin, Federico Pedini Amati, sur Fiat 500 de 1973, sous les couleurs de la République de Saint-Marin. Tomas de Vargas Machuca, président de Hero-Era, qui lui roulait en solo à bord d’une Bentley de 1926. Jonathan Turner, un vétéran de 1997, était aussi présent avec une Bentley de 1929, qu’il pilotait déjà, il y a 28 ans, aux côtés de Nick English, un pilote d’avion. John Caudwell, entrepreneur et philanthrope britannique, participait avec son frère Brian, pour la première fois sur une Chevrolet Fangio Master Coupé, de 1938. Force est de constater que les voitures d’avant-guerre composaient près de la moitié du plateau, avec notamment une American LaFrance Type 12 de 1917, dotée d’un moteur de 14,5 litres, une Rolls-Royce Silver Ghost de 1920.



Plusieurs Porsche se battaient pour rester aux avants-postes. D’ailleurs, pour rouler en Porsche, avant la course il faut être businessman. Pendant la course il faut être Superman. Après la course, il faut être Gentleman ! Quant aux catégories classiques, celles-ci comptaient des véhicules atypiques, comme une Volvo 220 Estate et des modèles mythiques, comme les Porsche 911, et Datsun 240 Z, Toyota HDJ 80… À noter, qu’il n’avait qu’un seul équipage Français engagé : François et Cécile Abrial sur leur BMW # 78, de 1976. 2 L Carbu. Un défi logistique et humain unique en son genre, avec que du beau monde. François Abrial a l’habitude de rouler en course. Parfois, il a ses côtés, Michel Périn, ancien copilote de Pierre Lartigue (ZX Citroën), et quadruple champion du Monde des Rallyes-Raids FIA.



Une échappée au long cours, habituellement organisée tous les trois ans, mais qui a dû être reportée en raison des retards causés par la pandémie, a finalement eu lieu en 2024. Ce nouveau rendez-vous 2025 représentait donc un véritable défi pour les organisateurs, qui ont entièrement repensé le tracé en un temps record. Un nouveau parcours qui s’étalait à travers 11 pays : Chine, Kazakhstan, Azerbaïdjan, Turquie, Géorgie, Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Autriche, Suisse et la France.


Avec, 10 passages de frontières, dont six nuits sous tente, de nombreux passages difficiles, et tout particulièrement, dans le désert de Gobi, que les anciens pilotes et copilotes du Paris-Moscou-Pékin de 1992 connaissent parfaitement bien. En revanche, le Pékin-Paris 2025 « Ce n’est pas une course. C’est une épreuve d’endurance où il faut avant tout aller au bout, pour soi et pour la voiture », rappelle Guy Woodcock, directeur de la compétition chez Hero-Era, qui organise plusieurs évènements par an, liés à l’automobile.



Au-delà des belles mécaniques, l’épreuve était surtout une aventure humaine exceptionnelle. Bon, maintenant qu’on est là, il faut bien y aller, à la croisée des chemins. Dès les premiers jours, les organisateurs ont assisté à un combat de coqs dont certains risquaient d’y laisser des plumes ! Bec contre bec, ergots contre ergots, jantes contre jantes, toutes les catégories luttaient éperdument où, déjà, de nombreuses plumes jonchaient le sol poussiéreux sur cette course effrénée. Outre la bagarre pendant cinq semaines, les participants ont traversé des contrées reculées, partagé des bivouacs à l’ancienne et surmonté toutes les épreuves journalières. L’entraide et la fraternité étaient les piliers essentiels de cette épreuve, hors du commun. Chris Elkins, responsable du tracé « L’esprit de groupe est fondamental. Quand tout va mal, ce sont les autres concurrents qui vous aident à continuer, et quand c’est compliqué, c’est là que ça devient intéressant ».

Après des journées de 500 km sous de grandes chaleurs, et des réparations fortuites sur la piste, les concurrents pouvaient récupérer entre bivouac où hôtel. C’est pour cette raison, que le Pékin-Paris est à classer dans la catégorie »Endurance ». Dans l’immensité des paysages de Asie centrale, la course revêtait parfois un aspect secondaire, lorsque l’odyssée mécanique se transforme en parcours initiatique au milieu d’une nature vierge, brutale, hostile, mais d’une beauté et d’une pureté exceptionnelle. Grâce au tracé, l’organisateur faisait résonner l’âme de ces explorateurs où l’environnement révèle des sensations que l’on pensait définitivement domptées par la modernité.


En plein désert de Gobi, les équipages ressentaient rapidement cette sensation de nulle part, un peu comme un navigateur qui ferait le Vendée Globe pour la première fois, ou d’un bébé qui met un pied dans l’eau froide pour la première fois. Du coup, certains découvraient un milieu hostile, où il peut se passer quelque chose de maléfique, en une fraction de seconde. Coupé du monde pendant plusieurs semaines, livrés à eux-mêmes, il était impossible de tricher dans cette immensité, qu’impose la nature. Habituellement, ce défi est organisé tous les trois ans. Cependant, en raison des retards causés par la pandémie, il a suivi l’édition 2024. Ce nouveau rendez-vous représentait donc un véritable défi pour les organisateurs, qui ont entièrement repensé le tracé en un temps record. Il faut dire que la connaissance de soi et de ses limites n’a de sens que si tout le monde respectait l’environnement, qu’exige la nature.



Quoi qu’il en soit, tous les équipages savent qu’il n’y a pas de hasard dans une épreuve automobile, puisque le hasard est l’ignorance de la cause d’un effet connu, parce que le diable se cache toujours dans les détails. Effectivement, dans les vieilles »Guimbardes » se cachent des détails de l’époque. Mais, à force de fréquenter ces endroits, de rouler, jour après jour, sur des pistes poussiéreuses, les pilotes ont développé un sens inné qui fait d’eux des êtres d’aventuriers. Pour comprendre ces pilotes, il faut partager un peu de leur monde, et emprunter avec eux des pistes non banalisées.


Les équipages et les membres de l’organisation ont été fascinés par les grandes steppes et le désert de Gobi, tout comme André Citroën qui avait organisé la Croisière Jaune en avril 1931. Sous le regard des cavaliers Mongols, ce fut un cocktail digne d’un grand défi pour des véhicules anciens. Leur Terratrip, le compas et la mécanique étaient énormément sollicités en raison de la difficulté du terrain, de la chaleur et de la longueur des étapes. À bord, les copilotes avaient un rôle essentiel dans cette épreuve d’endurance. Une fois arrivés au bivouac, les mécanos rentrent en piste ! Ça démonte, ça remonte et ça repart »Vrooomm, vrooomm, vrooomm… »


Tête baissée sur leur raod-book, le copilote soulignait préalablement les changements de direction, de caps et aussi les dangers liés à la piste, afin de prévenir celui qui tient le volant. Finalement, c’était un ballet bien orchestré de prises de paroles du copilote, qui était exécuté par le pilote. L’un ne va jamais sans l’autre. En Asie centrale, où l’on peut apercevoir des combats entre chien et loup, dès la nuit tombée. Au bord des vallées, des cours d’eau glacés de rivières limpides où coule l’eau vive.

Plus la caravane s’enfonce dans le désert, plus elle roule sur de la tôle ondulée et de l’herbe à chameaux. Des endroits il faut passer au ralentis pour protéger les amortisseurs. C’était ça la steppe. Un lieu de passage où Tatars et Mongols parcourent à cheval sous la bannière de Genghis Khan et de cette influence des lieux sur les équipages. Des spectateurs d’un nouveau genre étaient là. Chevaux, chameaux, plantés au bord de la piste en déblatérant ! sur les équipages qui perdaient le nord !


À l’horizon, ils pouvaient contempler des chevaux sauvages et des envolées d’oies sauvages. La caravane 2025, a aussi croisé des cavaliers mongols qui jouaient comme leurs descendants enracinés dans ces régions perdues. Ils vivent essentiellement sur une selle de cheval, la tête enturbannée d’un tissu poussiéreux. En liaison, au bord des routes d’asphaltes, des dizaines de badauds se pressaient pour saluer en tenue de rigueur les valeureux aventuriers des temps modernes, dans leur drôle de machine. Bizarrement, personne n’essayait de pousser son voisin pour être aux premières loges. Polis, souriants, disciplinés, on sentait bien qu’il y avait une forme de respect les uns pour les autres.


Sur cette terre, les concurrents découvrent un terreau noir qui fait jaillir des récoltes des récoltes de blé ou de maïs, dans des champs si longs qu’ils pourraient y commencer la moisson avant d’avoir achevé les semailles. Assis devant leur yourte où à genoux dans les champs, le suspense de cette chevauchée fantastique attire la population à stopper les plantations pour admirer des véhicules d’une autre époque. Puis, il y a l’autre steppe, celles des loups qui poursuivent Michel Strogoff, et celle des collines qui embaument ce »parfum d’aventure », qu’ils sont venus chercher.



Cette épreuve fut riche dans différents domaines. Une aventure humaine, solidaire et sportive à la fois. Mais, l’objectif principal a toujours été d’arriver à Paris, ce qui peut être considéré comme un exploit, peu importe le classement. Le Pékin-Paris 2025 a fêté son arrivée dimanche 22 juin à la Caserne des Célestins qui abrite la Garde Républicaine Française. C’est devant leur famille et une immense foule entassée sur le Bd Henri IV que les véhicules de l’organisation arrivaient dans un premier temps en éclaireur, encadrés par les motards de la Gendarmerie nationale, afin d’accéder au grand portail de la Caserne.



Trente minutes plus tard, le premier véhicule pointe son nez dans le Bd Henri IV pour passer sous l’arche du Pékin-Paris, avec à son pied un tapis rouge, digne du Festival de Cannes ! Face à la caravane 2025, une multitude de photographes venus pour l’occasion du monde entier. En une fraction de seconde, les cris de joie envahissent la cour de la Garde Républicaine pour saluer tous les valeureux équipages, une coupe de Champagne à la main. Puis, vient le temps des retrouvailles, des embrassades et des photos de famille, après ces 37 jours d’absences.


Finalement, le pari de Thomas de Vargas Machuca, président de Hero-Era, transforme tous les rescapés en vainqueur, dans la capitale. De ce fait, malgré toutes les galères rencontrées ces derniers jours, tous les équipages pensent à Antoine de Saint-Exupéry « Nous avons connu aux heures de miracle une certaine qualité des relations humaines. Là est pour nous, la vérité ».

Impossible, n’est pas Français ! Le seul et unique équipage Français # 78, François et Cécile Abrial termine le Pékin-Paris, 3ᵉ de leur classe et 9e au général dans la catégorie Classique. << À l’arrivée, comment vous dire ? C’est comme un baptême du feu, quelque chose de fort et d’immense vous envahie >>. Cerise sur le gâteau, c’est l’équipage # 61 Brian Palmer / David Bell sur une 504 Power Peugeot, qui remporte la catégorie classique, devant l’armada de Porsche 911. » À l’arrivée, comment vous dire ? C’est comme un baptême du feu, quelque chose de fort et d’immense vous envahie »

L’édition 2025 est remportée par l’équipage # 21 Tony Sutton / Andrew Lawsan sur Chevrolet Master coupé de 1939. Tony Sutton : « C’est fantastique, extraordinaire ! C’était serré ces derniers jours, mais on a progressé petit à petit et on y est arrivés. On est tellement soulagés, et on tremble encore ! La voiture a été incroyablement robuste, c’était vraiment remarquable. Andrew Lawson : « On s’est battus pour remonter petit à petit. Il faut persévérer, tenter sa chance. C’est difficile à décrire, c’est une extase et on est tellement heureux d’avoir gagné, entourés de tous nos amis du rallye. »

Hero-Era est l’une des premières agences mondiales d’évènements automobiles historiques. Elle organise des rallyes pour des voitures classiques et historiques pour préserver et faire découvrir au grand public, un patrimoine exceptionnel. La plus grande épreuve de leur calendrier reste le Challenge Pékin-Paris, avec 37 jours de luttent éfreinnées, à travers des paysages magnifiques que les concurrents ne sont pas près d’oublier. L’organisateur espère que plusieurs équipages Français s’élanceront sur la prochaine édition avec leur Peugeot, Renault, Simca, Citroën… www.hero-era.com
Auteur : Gilles David (gd.redaction@orange.fr). Crédit photos : Ian Skelton, Will Broadhead. Communication : Peter Associés, Sabrina Florek.