24 Heures de sprint au Mans.
Tout est prêt pour que cette 92ᵉ édition se déroule dans de bonnes conditions. Chacun est à sa place. Managers, mécanos, chronométreurs, commissaires de piste, dépanneurs, corps médical et presse spécialisée. Coté spectateurs, ils sont environ 329 000 Aficionados prêts à applaudir et à encourager les soixante et une voitures engagées sur cette édition. Plusieurs écuries de pointe allaient se disputer les trois premières places du podium (Porsche, Ferrari, Toyota, BMW, Alpine, Peugeot et Cadillac).
Sur la ligne de départ, on retrouve les quatre leaders. Toyota, Ferrari, Porsche et Cadillac. En dehors du ronronnement des moteurs, tous les spectateurs retiennent leur souffle. Force est de constater, que cette course est une institution dans le milieu de l’automobile. Alors, comme tous les ans, c’est un moment fort qui résonne dans plusieurs centaines de pays. À 15h55, le directeur de course devient le centre de la terre, car c’est lui qui dans les dernières secondes exerce son autorité, en devenant le maître de l’horloge ! Plus l’aiguille se rapproche de l’heure fatidique, plus la tension monte dans les stands. C’est humain, parce que sur toutes les courses automobiles, le départ est un moment redouté par tous les managers.
C’est parti. Rapidement, les leaders de la catégorie Hypercars prennent la tête de course. Ferrari, Porsche, Peugeot, Alpine, Toyota, Cadillac et BMW, avec un bal bien orchestré qui animait un public enthousiasme de voir s’affronter les bolides les plus rapides du monde, sur 24 heures de course.
Après avoir démontré leur pointe de vitesse sur le sec, dès le début des hostilités, les Ferrari, les Toyota et les Porsche démontraient qu’ils en avaient sous le pied ! Solidement accrochée à la tête de course grâce à sa pointe de vitesse impressionnante, la Ferrari # 50 déloge sans forcer la meilleure Porsche partie en pole position. Mais, vers 18h00, la météo vient chambouler quelque peu le scénario qui s’écrivait au fil du temps. Sous ces trombes d’eau, l’examen était permanent et la remise en question était totale, sur cette piste glissante, à point.
De ce constat, certaines écuries font vite le choix de chausser les pneus pluie, pendant que d’autres attendent avant de prendre leur décision. Les heures passent et la piste s’améliore, ce qui permet aux véhicules qui avaient fait le choix de garder les pneus slick, de faire la différence. De ce fait, la Ferrari # 83 tourne 30″ plus vite au tour que ses concurrents. Mais, à 22h00 la pluie refait surface. Sans doute par excès d’assurance, la Ferrari de Robert Kubica arrive à pleine balle sur la BMW, et l’envoie dans le rail. Le choc est brutal. Jugé coupable, Kubica écope de 30 secondes de pénalité. Dès lors, la bagarre fait rage à tous les étages ! entre Ferrari et Toyota. C’est d’ailleurs ce qui a fait que la plus grande épreuve du monde d’endurance perdure encore aujourd’hui. Dans cette discipline, tout peut se passer en un quart de seconde, de l’euphorie à l’épouvante, de l’espoir au désespoir. Tous les pilotes de haut niveau le savent.
Effectivement, dans des courses d’endurance, plusieurs lots de surprises viennent parfois contrecarrer les stratégies les plus sophistiquées, qui peuvent se fracasser en une fraction de seconde. La 499 P # 50 d’Antonio Guoco rencontre des problèmes de portière dans la dernière heure de course. Qui l’aurait cru ? La Ferrari # 51 se rend responsable d’un contact important avec une Toyota. Malgré quelques petites erreurs de pilotage, de sorties de piste, la firme Porsche tient le choc.
Coup de théâtre. Les conditions météo poussent la direction de course à sortir les véhicules de sécurité. Comme le petit train d’interlude, les pilotes se suivent à la queue leu leu, sans pouvoir se dépasser. C’est assez frustrant de voir des bolides aussi rapides rouler le pied sur le frein pendant 4h00. Puis, le vent et la pluie baissent d’intensité. C’est donc reparti sur les chapeaux de roues, puisqu’à sept heures de l’arrivée, 11 voitures étaient dans le même tour. En revanche, c’est la dure réalité de la piste, pour les équipages français. Moins rapides que les Alpine, les deux Peugeot 9X8 « Evo » ont démontré, malgré tout, une bonne fiabilité tout au long de cette course, mais leur pointe de vitesse était trop faible pour inquiéter les premiers de la classe ! Dans l’équipe au lion, on nous expliquait ne pas comprendre pourquoi les voitures n’arrivaient pas à rouler plus vite, malgré toutes les améliorations techniques apportées en début de saison. Malheureusement, un malheur n’arrive jamais seul. Les deux Alpine A 424, c’est un coup d’épée dans l’eau cette année, puisque les deux voitures abandonnent dans la soirée de samedi, pour cause de casse moteur.
Tous les autres pilotes ont le pied sur le champignon ! sur un bitume redevenu sec. Pas de quartier, c’est œil pour œil, dent pour dent ! Encore un coup dur pour les deux Cadillac. Elles abandonnent. La # 311 de Pipo Derani pour cause de fuite d’huile, et la # 3 de Sébastien Boudais, à cause d’un accident. Idem pour l’écurie Porsche. La Porsche 963 # 4 tape à grande vitesse un mur de pneus à Indianapolis. Pendant ce temps, les chronos s’affolent. Pour certains, c’est un aller simple, pour d’autres, les mécanos pansent les petits bobos d’une nuit difficile.
Sur la piste, c’est la Cadillac # 2 qui réalise le meilleur temps : 3″28″938. Peu de temps après, la Toyota Hybrid # 7 l’améliore : 3″28″756. Mais voilà, vers 14 h00, la pluie se réinvite dans la danse ! La Toyota # 8 touche la Ferrari # 51 et part à la faute. De ce fait, tout le monde s’observe et lève le pied. Il reste deux heures de course et tout peut encore arriver. Si sur la piste, c’est un vacarme assourdissant, en revanche, dans les camions des écuries, il règne un silence »Olympien ». Les ingénieurs ne lâchent pas leurs écrans des œils. Ils savent que le hasard n’a pas sa place à ce niveau. De plus, le hasard ne peut être que la cause ignorée d’un effet connu, ou le diable peut se cacher dans les détails. Quant aux managers, ils font les cent pas pour évacuer le stress.
La petite histoire des Hunaudières.
Une ligne droite qui n’est plus véritablement droite. En temps normal, cette route N38 de la Sarthe est limitée à 80 km/h. Mais, durant 24 heures, elle est ouverte aux 300 km/h. Plus de Radar, plus de Gendarme, plus de jumelles, plus de panneaux de limitation. Rangés au placard pendant une semaine. Il faut se souvenir qu’en 1923, les voitures roulaient à 120 km/h. En 1938, Bugatti et Talbot atteignaient 200 km/h sur les Hunaudières. En 1953, c’est l’apogée, les Américains viennent au Mans et pulvérisent la vitesse 249 km/h, sur un proto Cunningham. Puis, en 1964 et en 1967, Ford et Ferrari montent à 310 km/h, puis rapidement à 340 km/h. C’était sans compter sur la firme Allemande Porsche qui, elle, monte à 362 km/h. Cette Hunaudières devient donc la convoitise des plus grandes marques. Tout le monde veut détrôner son adversaire direct en poussant les moteurs à l’extrême. En 1987, René Metge dans sa Porsche 961 # 203 Rothmans est chronométré à 382 km/h. C’est le record du monde. En descendant du véhicule, René Metge dira au patron de Porsche Compétition « J’en avais encore sous le pied ».
Quel dommage pour René. Puisque l’année suivante, Roger Dorchy #51 était remonté comme un coucou ! déjà, son adversaire en Championnat d’Europe Tourisme, Roger est chronométré officiellement à 407 km/h avec sa Peugeot P88 V6 PRV Turbo. La firme retiendra 405, détrônant ainsi le record du monde de René Metge. Depuis cette date, par mesure de sécurité, l’ACO a fait installer une chicane pour éviter l’escalade à l’armement.
Il y a un grand suspense dans les dernières 15 mn de course, la voiture de tête Ferrari # 50 est à la limite de son énergie, à peine 2%, de réserve. Du coup, dans les stands, tout le monde se pose la même question << Aura-t-il assez d’essence dans le moteur pour tenir la cadence jusqu’à l’arrivée ? >>. La réponse est oui. Chapeau bas aux ingénieurs. Clap de fin. Sur l’édition 2024, le podium se dessine. Ils sont trois à se prévaloir de la victoire finale. Les deux Ferrari # 50 et 51, et la Toyota Hybrid # 7. Seulement quelques secondes les séparent, après 23h30 de course sans merci. À 16h00 tapante, le drapeau à damier flotte devant la Ferrari 499 P # 50 AF Corse. Le rouge est mis ! La Toyota Hybrid # 7 s’intercale entre les deux Ferrari, pour jouer les troubles-fête. Nous apprenons par des collègues journalistes de Motosport, que l’écurie Alpine envisagerait d’être motorisée par un moteur autre que Renault, dès la saison 2026 du Championnat du Monde. Affaire à suivre.
Classement final 2024 :
1 : Ferrari 499P # 50 Ferrari AF Corse – Antonio Fuoco / Miguel Molina / Nicklas Nielsen. 311 tours
2 : Toyota GR010 Hybrid # 7 Toyota Gazoo Racing – José María López / Kamui Kobayashi / Nyck de Vries + 14’’221
3 : Ferrari 499P # 51 Ferrari AF Corse – Alessandro Pier Guidi / James Calado / Antonio Giovinazzi + 36’’730
4 : Porsche 963 # 6 Porsche Penske Motorsport – Kévin Estre / André Lotterer / Laurens Vanthoor + 37’’897
5 : Toyota GR010 Hybrid # 8 Toyota Gazoo Racing – Sébastien Buemi / Brendon Hartley / Ryo Hirakawa + 1’02’’824
Le meilleur tour revient à Kamui Kobayashi sur la Toyota Gazoo Racing # 7, 3’28’’756
Auteur : Gilles David. Crédit photos : Olivier Milon de l’Agence Archimède. Prochaine article : les 9 Heures Tout-Terrain d’Orléans (Championnat de France FFSA).